Sosyolog ünvanı ile tanınan Ural Manço Le Soir gazetesine Belçika'nın değişik bölgelerinde Türk kökenli vatandaşlar tarafından teröre karşı yapılan izinsiz yürüyüşleri ve ortaya konan öfke ve infial görüntülerini oldukça ilginç bir yaklaşımla yorumlayarak "Bu gösteriler Belçika'da yaşayan Türkler için Türk olarak kaldıklarının ispatı için bir fırsattır" şeklinde açıklamalarda bulundu.
Bir okurumuz tarafından bizlere ulaştırılan Ural Maço'nun bu ilginç yaklaşımını Fransızca bilen okurlarımızın bilgisine sunuyoruz..
Bu yazıya ayrıca okurlarımızın tepkisini bekliyoruz..
« Ces manifestations sont une occasion de se prouver qu'ils restent Turcs »
Publié le Vendredi 26 octobre 2007 (No 250) dans Le Soir, page 20, édition
Namur/Luxembourg.
Auteurs: BOURTON,WILLIAM
A bout portant
Ural Manço Sociologue aux facultés universitaires Saint-Louis
Comment expliquer que les jeunes qui sont descendus dans les rues de Schaerbeek mercredi soir, bien que pour la plupart nés en Belgique, conservent un lien aussi
« épidermique » avec ce qui se passe en Turquie ?
Ils sont attachés à la Turquie par un « cordon ombilical », médiatique à tout le moins. Dans tous les foyers turcs, la télévision est allumée, et l'on ne regarde pas la RTBF mais les vingt-quatre chaînes turques. Les Kurdes peuvent également regarder au moins deux chaînes kurdes et la télévision du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). Il y a également les journaux : nous savons que les Turcs vivant en Europe achètent en moyenne plus de journaux qu'en Turquie… c'est déjà un indice de leur attachement. Et puis, depuis un certain nombre d'années, des lignes aériennes privées se sont développées : depuis toutes les capitales d'Europe, vous pouvez vous envoler vers un certain nombre de villes en Turquie. Les communications et les télécommunications – via internet, aussi – sont donc faciles. À la minute même, ils savent ce qui se passe en Turquie. Par ailleurs, il faut souligner la préservation de la langue turque : les Turques de Belgique parlent de loin mieux le turc que les Marocains ne parlent l'arabe marocain. Tout cela forme des soubassements matériels qui expliquent ce genre de choses.
Cela dit, cela reste des explications faibles…
Quelles sont les explications « fortes » ?
Il faut avoir une approche « compréhensive ». Essayer de voir le sens qu'ils octroient, à la limite même inconsciemment, à ce genre d'actes… Le sens qui est affirmé, c'est bien sûr : « la défense de la patrie », « le PKK, c'est du terrorisme », « les Américains soutiennent le PKK », etc. Mais ça, c'est de la rhétorique. C'est une légitimation, un « anoblissement » qu'ils s'octroient pour pouvoir agir. L'important, c'est « l'agir », et ce que cet « agir » leur apporte. Et là, il faut aller voir tout le mal-vivre : le fait de ne pas se sentir vraiment membres de la société belge d'un côté, mais, de la même manière, se sentir tout aussi étrangers quand ils vont en Turquie. On parle parfois de « double allégeance » ; moi, je crois qu'il s'agit ici d'une double « non-appartenance ». C'est cela qui pose problème. Il faut qu'ils prouvent, à eux-mêmes comme à ceux qui sont restés en Turquie, qu'ils restent Turcs, qu'ils ne sont pas assimilés. Ils vont ainsi être plus nationalistes et même plus religieux que la moyenne en Turquie. Ces manifestations sont une occasion de se prouver cela ; les matchs de foot en sont une autre, de manière un peu plus heureuse. Et puis, tout simplement, c'est aussi l'occasion de faire de la casse.
C'est un carnaval : tout est permis, en plus pour une « bonne cause »… J'ajoute que, de manière très secondaire probablement, il y a des actes de vandalisme, qui ont un but financier. Dans le bas de la chaussée de Louvain, près de la place Saint-Josse, un épicier marocain m'a dit que sa vitrine avait été cassée et qu'on avait volé un certain nombre de choses dans son magasin, alors qu'on savait pertinemment bien qui il était et qu'il n'avait rien à voir avec tout cela. Il a également expliqué que son fils jouait dans l'équipe de foot de Saint-Josse, composée pour moitié de Turcs et pour moitié de Kurdes, et que cela n'avait jamais engendré la moindre bagarre… Je trouve cela très symptomatique ! Il ne faut donc pas aller chercher directement des « trucs » à trois mille kilomètres : cela se passe ici, et surtout dans la tête des gens.
Ces manifestations violentes seraient donc spontanées, et non « téléguidées » ?…
Vu l'âge et vu la rapidité des événements, je pense que le mouvement était spontané. Cela dit, il ne faut pas le cacher, il y a une présence diffuse d'un certain nombre de forces politiques turques occultes, très actives, particulièrement à Bruxelles. Les Loups gris notamment, les fascistes turcs, qui ont toujours été les chiens de garde de l'armée et de l'élite kémaliste turques – qui n'est pas le gouvernement actuel, mais qui tient encore une partie des rênes du pouvoir… Nous avons donc une longue histoire d'importation des conflits liés au monde turc, ici, en Belgique. Ainsi, le 1er avril dernier, deux jeunes écervelés de dix-sept ans ont bouté le feu à une association kurde de Saint-Josse, supposée être du PKK. Six personnes ont failli mourir. Cela m'a rappelé une autre histoire : en 1993, à Solingen, en Allemagne, des néo-nazis ont incendié une maison, dans laquelle six filles et femmes turques ont péri.
C'est exactement le même type d'acte. Abject. Inadmissible.